Membre
ABRAMOW Maurice
Membre belge honoraire

Date de naissance : 21/05/1932
Lieu de décès : Lasne
Date de décès : 04/09/2018
- Spécialité : Néphrologie - Médecines alternatives - Vulgarisation médicale
- Affiliation principale : Professeur à l'Université libre de Bruxelles
- Election membre : 15/05/1993
- Titularisation : 16/05/1998
- Honorariat : 21/05/2007
par R. KRAMP, membre honoraire
Le Professeur Abramow s'est éteint le 04 septembre 2018 après une longue maladie dont les affres liées à diverses complications ont émaillé sa vie durant près d'une décennie.
C'est empreint d'émotion que je présente cet hommage dédié à notre Collègue. Nous avons eu, en effet, une relation amicale durant un demi-siècle marquée d'une indubitable entente scientifique et d'une infaillible loyauté.
En 1957, Maurice Abramow est proclamé Docteur en médecine, chirurgie et accouchements avec grande distinction à l'Université libre de Bruxelles.
Après avoir terminé ses obligations militaires, il entame une spécialisation en médecine interne dans le service du Professeur Pierre Paul Lambert à Brugmann.
Animé d'une curiosité insatiable, il entreprend simultanément des activités de recherche à la Fondation médicale Reine Élisabeth sous la direction du Professeur Jacques Corvilain. Ces recherches concernaient les effets de l'hormone de croissance sur l'excrétion rénale des phosphates et furent publiées dans des journaux scientifiques prestigieux.
Afin de donner une nouvelle orientation scientifique à ce jeune chercheur talentueux qu'est Maurice Abramow, le Professeur Lambert entreprend, en 1962, des démarches aux National Institutes of Health à Bethesda. Celles-ci vont permettre à Maurice Abramow de séjourner, de 1963 à 1965, au Kidney and Electrolyte Metabolism Laboratory des NIH où il est associé aux recherches effectuées par un jeune chercheur, Maurice Burg, dont il est le premier fellow.
Celui-ci tentait alors de mettre au point une technique originale pour étudier le fonctionnement des différents segments du tubule rénal confinés dans le rein et inaccessibles à la microponction tubulaire.
Maurice Burg, Maurice Abramow et Jared Grantham, le deuxième Fellow de Burg, vont collaborer en parfaite harmonie à ce projet ambitieux et réaliser sur le rein de lapin ce que d'aucuns ont cru être impossible :
« avoir accès aux différents segments du néphron enchevêtrés dans la masse rénale, disséquer et isoler chacun des segments du tubule rénal, et les perfuser afin d'en étudier les propriétés fonctionnelles ».
Plusieurs étapes sont essentielles à la réussite d'une expérience de microperfusion. La première consiste à prélever un fragment de tissu rénal frais qui est plongé dans une solution oxygénée. Ensuite, un ou plusieurs segments de quelques mm de long sont très rapidement disséqués et isolés d'un tubule rénal sous microscope. Puis, l'un de ceux-ci est transféré délicatement dans une autre solution dans laquelle la microperfusion aura lieu. Pour ce faire, il faut fixer, sous microscope inversé, le segment choisi entre deux micropipettes concentriques en veillant au maintien de son intégrité. L'une des micropipettes sert à perfuser une solution de composition donnée à un débit de quelques nl/min. L'autre, pré-calibrée, est destinée à collecter le fluide perfusé dont le volume est déterminé. La composition du fluide récolté sera analysée ultérieurement par des méthodes d'ultramicrochimie développées aux N.I.H.
De la conceptualisation à la réalisation, il a fallu plusieurs années à Maurice Burg et à ses collaborateurs pour surmonter les innombrables difficultés rencontrées à chaque étape du projet. Celui-ci est néanmoins finalisé en 1965 et « la technique de microperfusion tubulaire in vitro » est publiée en 1966 dans l'American Journal of Physiology.
La technique de microperfusion suscitera un énorme engouement en recherche rénale. Elle sera aussi appliquée à l'étude fonctionnelle d'autres épithélia. Il s'agit indubitablement d'une contribution majeure aux sciences physiologiques que d'aucuns considèrent comme une avancée technique de la même importance que la technique du voltage clamp en neurophysiologie ou celle du patch clamp en physiologie cellulaire, toutes deux primées du Prix Nobel.
De retour en Belgique, Maurice Abramow bénéficia d'un grant des NIH permettant d'installer le système de microperfusion tubulaire à la Fondation médicale Reine Elisabeth où le Professeur Lambert avait mis deux locaux à sa disposition. Ensuite, il obtiendra une convention FRSM qui fut renouvelée sans interruption jusqu'à la fin de sa carrière.
En revenant sur le site de Brugmann, Maurice Abramow renoue aussi avec des activités cliniques dans le département de médecine interne où son remarquable sens clinique et son raisonnement diagnostic précis seront très appréciés des étudiants-stagiaires et des internes en formation.
Chaque après-midi, il œuvre à la table de microperfusion tubulaire. Il s'impose ainsi qu'à Mme Foulon, sa fidèle collaboratrice technique, une extrême rigueur de travail et un inamovible rituel quant aux préparatifs et au déroulement des expériences de microperfusion.
Celles-ci se focalisèrent sur le tubule collecteur, point d'impact de l'hormone anti-diurétique, qui fascinait Maurice Abramow. Il étudie la perméabilité à l'eau du tubule collecteur et y détermine les effets de l'hormone antidiurétique, ainsi que l'action de plusieurs diurétiques. L'ensemble de ces observations ont été rapportées dans sa remarquable thèse d'agrégation de l'enseignement supérieur présentée en 1975.
Entretemps, il réussira une première dans le monde de la microperfusion en collaboration avec Max Dratwa: isoler et perfuser un tubule collecteur provenant d'un rein fœtal humain. Cette observation princeps parut dans Nature en 1974.
Notre première rencontre eut lieu à la fin des années soixante à l'occasion d'un congrès aux Etats-Unis où je résidais à l'époque. Un courant de sympathie fut immédiatement manifeste et Maurice Abramow m'invita à le contacter dès mon retour en Belgique.
Ainsi, fin 1971, je me suis rendu à plusieurs reprises à la Fondation médicale Reine Elisabeth, mais ce sont surtout nos rencontres mensuelles d'analyse de publications, organisées à son instigation le samedi après-midi, soit à Bruxelles, soit à Louvain, qui établirent notre lien d'amitié. Au cours de ces discussions, il se révéla par son implacable sens critique et son incessant questionnement.
A la fin des années septante, la carrière de Maurice Abramow connait une nouvelle orientation. Il prend alors en charge les enseignements de physiologie et de physiopathologie, est nommé Professeur ordinaire, Chef du département, et Directeur du Laboratoire de Physiologie et de Physiopathologie nouvellement créé à Erasme.
Il a dû se résoudre alors à réduire considérablement ses activités cliniques ainsi que ses présences à la table de microperfusion. Les activités de recherche du nouveau laboratoire vont néanmoins se diversifier et s'amplifier grâce à la venue de son demi-frère, Elie Cogan, qui sera la cheville ouvrière au laboratoire pendant les absences de son mentor.
La complicité scientifique entre les deux demi-frères était, pour ainsi dire, fusionnelle. Elle sera à la base de la nouvelle impulsion donnée au laboratoire avec l'arrivée de chercheurs étrangers, la mise place de fructueuses collaborations internationales, et de l'apport de nouveaux collaborateurs attirés par la physiologie rénale et cellulaire.
Il en résultera de nombreuses publications dans les meilleurs journaux scientifiques.
Les tâches administratives de Maurice Abramow au sein de la Faculté de Médecine ont été multiples. Parmi celles-ci, il tenait tout particulièrement à participer à la Commission Permanente de la Recherche qu'il présida pendant plusieurs années. Cette présidence et le rôle d'arbitrage dévolu au Président furent accomplis, tel que rapporté officiellement, avec équité et pertinence.
Vers la fin de sa carrière académique, il fut encore élu au vice-décanat pour un terme de deux ans.
Durant toutes ces années, nous sommes restés en contact. Il s'est rendu à plusieurs reprises à Mons pour donner un séminaire ou participer comme expert à des thèses de doctorat. Ce furent des moments de rencontre privilégiés et fort appréciés.
En 1977, Maurice Abramow fit une remarquable lecture au sein de notre Compagnie où il fut élu correspondant en 1993 et membre titulaire en 1998; il était membre honoraire de l'Académie depuis 2008.
Il n'hésita jamais à intervenir lors des séances publiques et fut un membre actif au sein de la 1ère section et de la commission des communications.
Clinicien avisé, chercheur brillant, professeur passionnant, académicien, humaniste, médecin journaliste, personnalité attachante au sourire plein de charme, aux réparties promptes, quelquefois incisives, et à l'humour si particulier, teinté d'une petite pointe sarcastique, voire quelquefois caustique, Maurice Abramow avait néanmoins un besoin impérieux d'une présence, d'empathie et d'affection, tout en étant d'une discrétion absolue à l'égard de certains pans de sa vie.
Cette nécessité d'affection et cette discrétion ont été engendrées durant son enfance à Anvers où il est né en 1932 et où cet enfant juif deviendra un enfant caché sous l'occupation allemande. Il sera marqué à vie par les traumatismes affectifs vécus par les enfants cachés dont même l'identité deviendra autre.
Ainsi, Maurice Abramow, après avoir échappé par le plus grand des hasards à la rafle des citoyens juifs opérée à Anvers, en fin de soirée, le 15 août 1942, devint, du jour au lendemain, Maurice Allart, enfant caché.
Le Docteur Maurice Burg**, Membre étranger de notre Compagnie et mentor scientifique de Maurice Abramow, a tenu à s'associer à l’hommage de l'Académie par ce message :
“Dr. Maurice Abramow was a renal physiologist who made seminal and significant contributions to the field of nephrology. As a post-doctoral fellow, he collaborated in inventing a method to dissect viable renal tubules and perfuse them in vitro, measuring transport of substances between the tubule lumen and peritubular side.
Using this method, he and others have determined what is transported by each of the many different nephron segments, how it is transported, and how the transport is regulated. This information has been fundamental for our current understanding how the kidney functions in health and disease”.
Courriel du Dr Maurice Burg à R. Kramp
mettant en exergue les importantes contributions scientifiques de son premier Fellow qui ont apporté une nouvelle dimension à nos connaissances de la physiologie et de la physiopathologie du rein et soulignant sa précieuse collaboration à la mise au point de la technique de microperfusion tubulaire in vitro.
* Le Dr Maurice Burg est Senior Investigator and Chief of the Renal Cellular and Molecular Biology Laboratory aux N.I.H. et Membre de la National Academy of Sciences.